Mme X, 26 ans

Je vais te raconter une injustice, synonyme de misère, dans laquelle vit la plupart des mahorais, à laquelle nous sommes confrontés, impuissants. Cela ne devrait plus exister.

Mme X, 26 ans, est originaire d'une fratrie de deux frères et une sœur.
Elle a deux enfants en bas âge, 2 ans et 5 ans.
Elle a perdu son frère il y a 3 mois dans mon service, d'une hépatite B dépassée, en cancer hépatique.

Personne ne s'est alors fait dépister.

Mme X, 26 ans, vient de se faire admettre dans le même service que son frère, la semaine dernière, pour des douleurs abdominales intenses, une perte de poids et une grande fatigue.
Le ventre de Mme X nous apprend une hépatomégalie à plus de 20cm, quasiment jusqu'au nombril.
Les yeux de Mme X, te fixent avec angoisse et sont jaunes.
Les bilans complémentaires de Mme X confirment le diagnostic : hépatite B active, carcinome hépato-cellulaire en phase terminale.

Comme son frère trois mois plus tôt.

Comme son frère trois mois plus tôt, Mme X est décédée dans mon service.

Elle avait formulé le désir de mourir à domicile, mais sa famille n'a pas réussi à trouver une voiture à temps pour la ramener chez elle. Mme X n'a pas revu ses enfants.

Il n'y a pas le temps pour la tristesse.
La réalité administrative les rattrape : tout patient décédé à l'hôpital doit être transporté par une société de pompe funèbre. Le prix est de 300€. Le service ne peut héberger son corps que 2h post-mortem.
Après c'est la morgue, froide et impersonnelle.

Un compte à rebours malsain commence pour cette fratrie décimée.
300€, une sacrée somme (ou une somme sacrée) à Mayotte ?
Fin du temps imparti.

Mme X, 26 ans, est dirigée à la morgue de l'hôpital où elle attendra inchAllah, pour bénéficier des rites funéraires mahorais.

J'oubliais : seule sa petite sœur s'est faite dépister...
Je ne te donne pas rendez-vous dans 3 mois.