Salut tout le monde,
Je profite d'une petite matinée tranquille avant d'aller visiter Petite Terre pour vous raconter un peu ce qui nous occupe quand même la majeure partie du temps: l'hôpital.
Alors tout d'abord il faut comprendre qu'ici c'est l'Afrique, avec des infrastructures françaises qui paraissent incongrues: la poste, la gendarmerie, et l'hôpital!
On y trouve exactement le même matériel qu'en métropole, on a tout ce qu'il faut: scanner, IRM... bien sûr le fait d'être sur une île complique certaines prises en charge: les pathologies graves sont rapidement transférées à la Réunion, certaines prises de sang prennent longtemps car elles partent en métropole, le cardiologue vient une fois par semaine... mais globalement on a les même moyens que d'habitude.
Oui mais sauf qu'au fond du lit les patients sont souvent des comoriens, arrivés en Kwassa (petites barques) depuis Anjouan (ïle de l'archipel des Comores, à 80 km de Mayotte) pour se faire soigner. Ils ont souvent eu un début de prise en charge à Anjouan, mais comme tout est payant ils arrivent par exemple avec leur radio qui montre un fracture chirurgicale et n'ayant pas les moyens de se faire opérer là-bas, ils prennent un Kwassa, débarquent illégalement sur une plage du Nord de Mayotte et essayent d'arriver à l'hôpital sans se faire prendre par la police. C'est l'eldorado pour eux!
C'est pour cela qu'à notre dernière garde Romain à pris en charge un patient d'une vingtaine d'année IMC (infirme moteur cérébral = handicapé physique, donc malade depuis sa naissance) qui devait peser 30kg, incapable de bouger, les membres déformés dans des positions pas imaginables... et son cousin demande à Romain ce qu'il peut faire pour lui. Sauf qu'on ne peut rien pour lui. Chez nous ce patient serait dans une institution toute sa vie, enfin surtout il ne serait pas né car on aurait diagnostiqué sa pathologie en anténatal... Bref au petit matin on leur à fait comprendre qu'il devait ramener son cousin chez lui, c'est à dire dans la rue.
Bon heureusement il y a d'autres patient pour lesquels on peut quelque chose! Comme un jeune de 24 ans qui a déclenché un diabète de type 1 depuis 3 mois, il a perdu au moins 30 kg. A Anjouan lorsqu'on lui a dit qu'il était diabétique il savait que si il n'arrivait pas à Mayotte il en mourrait en quelques jours (pour les non médecins: un diabétique de type 1 doit se faire plusieurs injections d'insuline par jour, pour diminuer son taux de sucre dans le sang).
Quelques petits détails pour ceux de la profession médicale, les autres vous pouvez toujours tenter de lire notre charabia hermétique!
Ce jeune présentait aussi une parésie des MI et MS (prédominant aux MI et en distalité, avec une marche en steppage), apparemment d'apparition brutale, sans traumatisme, initialement il était quasi paraplégique et se trainait sur les fesses pour se déplacer, depuis il marche avec des béquilles depuis 2 ans. Diagnostic?
Probable Béri-Béri, carence en B1 due à la dénutrition, créant des neuropathies périphériques. Traitement simple: supplémentation en B1 une semaine et amélioration rapide.
Et son voisin de chambre: un homme de 60 ans arrivé en kwassa lui aussi, pour décompensation d'un diabète de type 2 devenant insulino-dépendant... et acromégale +++ mais un acromégale comme dans les livres: mains et pieds énormes alors qu'il est tout maigre, une mâchoire et des lèvres géantes, un gros nez... l'endocrino était refait!
Bien entendu on soigne aussi les Mahorais, avec des retard diagnostics énormes:
Une femme de 40 ans qui vient pour bilan d'anémie à 2,8g (pour les non
médecins qui ont réussit à lire jusque là: manque de globules rouges,
normes 12-16g) ... j'ai dû relire 3 fois le chiffre pour être sûre. Mais visiblement j'étais la seule étonnée: il n'est pas rare d'en voir à 1,5g ici! Probable cancer colique...
Romain a une patiente de 26 ans en phase terminale d'une CHC sur VHB... avec une hépatomégalie de 10 cm. Son frère vient de mourir de la même pathologie, et le reste de la fratrie qui ne comprend pas l'utilité d'un dépistage.
Je passe sur les nombreuses miliaires tuberculeuses avec ou sans pleurésie ou pneumothorax, les septicémies à leptospirose, les arthrites septiques...
Bref on ne s'ennuie pas!
Le plus étonnant est leur totale résignation face à la maladie. Ici c'est Inch'Allah! Ce qui fait que quand un patient sort de l'hôpital, il oublie ses traitements, ses rdv... Et revient aux urgences en décompensation aigue. Comme en plus il n'y a presque pas de médecins traitants sur Mayotte, juste quelques dispensaires, le suivi des patient est mission impossible.
Bon allez assez parlé boulot, il est l'heure d'un petit PMT (palme masque tuba pour ceux qui ne suivent pas assez assidûment ce blog) sur petite terre, et ce soir avec de la chance une ponte de tortue!
Gros bisou à tous!!